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Musique
Arsilda : [dramma in musica in tre atti]
Edité par Naïve - paru en P 2025
Ce soixante-quatorzième volume de l'Edition Vivaldi du label naïve se consacre à Arsilda. Le drame présente une grande variété de situations dramatiques stimulant particulièrement l'imagination insatiable du Vénitien, défendue avec ardeur et fluidité par Andrea Marcon et ses musiciens de La Cetra, et sept chanteurs au diapason dont les mezzo-sopranos Benedetta Mazzucato et Vasilisa Berzhanskaya dans les deux rôles principaux (Arsilda, et Lisea). Parmi les domaines de l'oeuvre du Prêtre Roux absolument inconnus jusqu'à la fin du XXe siècle, que l'édition du label naïve a révélés avec une belle persévérance depuis presque vingt-cinq ans, figurent les ouvrages destinés à la scène. Ce coffret se consacre à Arsilda, le vingtième des vingt-et-un opéras du Vénitien conservés à la Bibliothèque nationale de Turin. Créé en octobre 1716 au Teatro Sant'Angelo de Venise, il met en scène Arsilda, la reine d'une ancienne région du nord de l'Anatolie, le Pont, promise à Tamese, prince (tout juste devenu roi) de Cilicie, une contrée voisine - Arsilda dont est par ailleurs tombé amoureux Barzane, roi de Lydie (autre région voisine), à qui Lisea, la soeur jumelle de Tamese, est secrètement fiancée. Légèrement chaotique, l'histoire se déroule au début de notre ère à Ama (en fait Tarse). Avec ses sept rôles différents (quatre hommes, trois femmes), harmonieusement sollicités en dépit de la prédominance de Lisea, ce dramma per musica s'apparente à une mascarade, truffée de travestissements et de jeux sur les identités - par exemple, Lisea joue durant deux actes entiers le rôle de son frère Tamese. Très protéiforme dans ses situations dramatiques, Arsilda dévoilera une scène de prison, une chasse royale, une agression sexuelle, des bagarres et de multiples cérémonies pseudo-religieuses publiques : autant de situations qui stimulent l'imagination insatiable de Vivaldi. Si le compositeur, pour cet opéra, reprend un aria de de son oratorio Juditha triomphans, composé très peu de temps avant, le reste de l'ouvrage se compose de musique totalement nouvelle. Parmi les plus beaux moments, citons l'air de Barzane (" Quel usignolo ", Acte II, scène 9) où Vivaldi entoure la voix d'un rossignol (violons) et d'un coucou (alto) en reproduisant les petits pas des oiseaux par des croches répétées, chromatiquement ascendantes. Ou bien encore l'intégralité de la scène 6 du deuxième Acte, moment d'une formidable inventivité, étonnante succession d'instantanés quasiment cinématographiques, dont la si fine écriture annonce parfois certains passages des Nozze di Figaro de Mozart. Andrea Marcon, grand spécialiste de l'oeuvre du Prêtre Roux - comme l'avaient révélé d'extraordinaires enregistrements avec le violoniste Giuliano Carmignola dans les années 2000 - immerge ses musiciens de La Cetra Basel et ses sept chanteurs, chacun au diapason, dans un océan d'expressions. Dans le geste fluide et élancé de Marcon, le don théâtral du compositeur éclate une fois encore et se nimbe d'une poésie étrangement discrète. Peut-être un écho au mystère entêtant de Venise.