Les 11 visages du jazz à la découverte des standards du jazz
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En quelques notes, il est identifiable : un rythme qui claque, une mélodie reconnaissable ou à défaut, facile à retenir… Cet été, découvrez l'histoire de 11 standards incontournables du jazz.
les 11 standards à (re)découvrir cet été
Tout au long de l'été, vous pourrez découvrir au fur et à mesure des semaines tous les secrets derrière chacun des standards suivants :
- Épisode 1 : Autumn Leaves
- Épisode 2 : Cantaloupe Island
- Épisode 3 : Estate
- Épisode 4 : Minor Swing
- Épisode 5 : ’Round Midnight
- Épisode 6 : St. Louis Blues
- Épisode 7 : Softly, as in a Morning Sunrise
- Épisode 8 : Someday My Prince Will Come
- Épisode 9 : Stella by Starlight
- Épisode 10 : Take five
- Épisode 11 : The Girl from Ipanema
Composition musicale largement reconnue, interprétée et enregistrée par de nombreux musiciens de jazz, les standards forment une sorte de répertoire commun, un langage partagé entre musiciens. Le pianiste Martial Solal, dans son autobiographie, parle de "passeport" entre les musiciens.
Point de passage obligé pour tout musicien de jazz, l’appropriation des standards permet de jouer en groupe, même avec des musiciens inconnus. Par quel mécanisme ? Le standard repose sur un canevas dont voici les principales caractéristiques : une forme AABA ou un blues de 12 mesures, une harmonie tonale ou modale avec la possibilité d’improvisation sur la grille harmonique.
À partir de ce canevas, le musicien peut interpréter librement le propos musical en variant le tempo, en transposant les tonalités, voire même en réinventant la mélodie. Un standard ne sera jamais joué deux fois de la même manière, ce qui fait toute la noblesse du jazz.
Comme le fredonne le pianiste et chanteur Michel Jonasz dans sa chanson "La Boîte de jazz", le musicien doit connaître ses standards pour se produire dans un bar, un club de jazz ou sur une scène.
Dans sa chanson, Michel Jonasz interprète un pianiste peu rassuré de devoir se mesurer à des musiciens professionnels qui l’interpellent. À leur apostrophe « Hé, gus, tu connais Charlie Mingus ? », le pianiste se défend : « Par cœur, je le connais par cœur », puis, à « Hé, fils, le nommé Davis ? », il répond « aussi, je le connais aussi… J’aime tous les succès de Duke Ellington, tous les standards d’Oscar Peterson », et ainsi de suite.
D’où viennent ces fameux standards ?
1) The Great American Songbook
Les standards de la première génération viennent du Great American Songbook qui contient les chansons célèbres de Tin Pan Alley, de Broadway, d’Hollywood. Ce répertoire de la musique populaire américaine s’est constitué à partir du XIXe siècle, grâce à l’essor de l’édition musicale incarnée par la 28e rue de New York, le quartier de Tin Pan Alley, littéralement « l’allée des casseroles en métal ».
Cette expression, restée célèbre, vient d’un journaliste qui se plaignait de la cacophonie ambiante provoquée par les pianos de bastringue qui sonnaient mal. Les éditeurs de Tin Pan Alley répondaient à une demande croissante en chansons, partitions d’opérettes et de vaudevilles, tout ce qui allait contribuer aux chansons à succès des spectacles de Broadway et des comédies musicales d’Hollywood. Tin Pan Alley a connu son âge d’or jusqu’aux années 1920, date de l’arrivée du cinéma parlant : la société de cinéma Warner Bros. rachètera en grande partie ces maisons d’édition.
Tin Pan Alley embauchait des auteurs-compositeurs, dont certains étaient des « pluggers », c’est-à-dire des démonstrateurs musicaux, aussi bien dans les maisons d’édition que dans les théâtres. Certains « pluggers » devinrent des auteurs renommés comme Irving Berlin et George Gershwin, auteurs respectivement de "God Bless America" et de "Rhapsody in Blue". Parmi les autres compositeurs, citons Cole Porter, auteur de nombreux standards tels "Night and Day" ou bien "Begin the Beguine" :
2) Les compositions des grands musiciens de jazz eux-mêmes
Fats Waller ("Honeysuckle rose"), Duke Ellington ("Caravan"), Thelonious Monk ("Round’ Midnight"), Erroll Garner (“Misty”), Dizzy Gillespie ("Night in Tunisia"), Charlie Parker ("Ornithology"), Miles Davis ("So what"), John Coltrane ("Giant steps"), Herbie Hancock (“Cantaloupe Island”) etc.
3) Des standards de jazz issus d’autres styles musicaux
Comme certains titres des Beatles ("Yesterday", "Something"), de Stevie Wonder ("Isn’t She Lovely", "Visions »), etc.
Aller à la recherche des dizaines voire des centaines d’interprétations de standards permet d’approfondir sa culture musicale tout en puisant dans un immense réservoir d’idées pour improviser et réinventer à sa manière les grands airs du répertoire, se familiariser avec tel enchaînement d’accords, tel style, telle rythmique et composer sa propre musique.
Pour finir, un clin d’œil à Brian Wilson qui vient de nous quitter avec sa surprenante reprise vocalisée de Rhapsody in Blue de George Gershwin à qui il a consacré un album, Brian Wilson reimagines Gershwin, paru en 2010.
- Le blog du pianiste Matthieu Marthouret, qui consacre un important dossier pédagogique sur les standards de jazz.
- L’émission « Repassez-moi le standard » de Laurent Valero sur France Musique : [lien].
- Un livre-répertoire : Jean-Tristan Richard, « Les Standards du jazz : Encyclopédie alphabétique des classiques du genre ».
- La méthode du pianiste Guillaume de Chassy, qui propose ses propres arrangements de standards avec, en introduction, un vibrant hommage au jazz.
- La collection des recueils de Real Books. Le Real Book consigne une partie des standards dans des partitions. Ce sont des relevés de grilles harmoniques pour chaque standard. Il existe même un Real Book du jazz français.
- Dans le même esprit, la collection « Play-Along » des partitions de Jamey Aebersold, célèbre pour ses transcriptions de grilles harmoniques des standards.
- « Les Années Blue Note : The Finest in Jazz (1955-1967) ».
- La collection « In Jazz » chez Warner Music, qui compile des morceaux de jazz actuel interprétés par le journaliste Lionel Eskenazi sur des reprises de pop-rock. Ainsi, « Pop in Jazz ».
Par Anne-Laure Chatelot et Jean-Pierre Bourrachau