Les 11 visages du jazz, épisode 8 Someday my Prince will come
Pochette de l'album Someday my Prince will come de Miles Davis (Columbia Records 1961)
En quelques notes, il est identifiable : un rythme qui claque, une mélodie reconnaissable ou à défaut, facile à retenir… Cet été, découvrez l'histoire de 11 standards incontournables du jazz. Aujourd'hui, épisode 8 : Someday my Prince will come
"Un jour mon prince viendra", ce refrain murmuré par Blanche-Neige entourée de ses sept nains, deviendra un tube planétaire. Tout comme Disney s'appropriait la musique, les jazzmen se sont emparés des mélodies de ses films. La trame harmonique de Someday My Prince Will Come est particulièrement riche, et sa douce mélodie invite à un rêve éveillé d'une beauté envoûtante. L'émerveillement que suscite cette chanson a fasciné de nombreux jazzmen, faisant de ce thème, à partir de la fin des années 1950, un standard incontournable.
Dans ce standard, le monde du merveilleux et la musique ne font qu'un. Issu du film Blanche-Neige et les sept nains (1937), cette chanson est l'œuvre du compositeur Frank Churchill sur des paroles de Larry Morey.
La musique est une marque de fabrique des films Disney. Subjugué par les accompagnements musicaux du cinéma muet de son enfance, Walt Disney a toujours mêlé musique et cinéma. Son enfance ayant coïncidé avec les débuts du jazz et du cinéma, ses films sont autant des œuvres d'animation que des films musicaux. Pour ce faire, il s'est entouré de compositeurs comme Frank Churchill, dont il appréciait la simplicité mélodique. La construction harmonique de Someday My Prince Will Come apporte de la magie grâce à une simple succession d'accords de septième, réputés pour leur profondeur émotionnelle. En quelques notes seulement, ce thème nous transporte. Un exemple parfait de construction harmonique pour tout musicien !
Les grandes interprétations
La version originale (1937)
Tout d’abord, la version originale de 1937 pour chant et orchestre. La voix juvénile d’Adriana Caselotti a été choisie pour incarner Blanche-Neige, qui vibre pour son prince. Plus elle rêve de lui, plus sa tessiture grimpe dans les aigus. Classée première chanson de 1938 à 1941 puis reconnue par l'American Film Institute comme l'une des plus grandes chansons du cinéma, elle a été diffusée à des millions d'exemplaires.
1957 : Dave Brubeck
Dave Brubeck découvre par hasard les chansons de Walt Disney grâce aux disques de son fils. En 1957, le pianiste enregistre avec son quartet un album autour du répertoire de Disney : Dave Digs Disney. Y figure la première version discographique de Someday My Prince Will Come. Elle est construite sur une rythmique à trois temps sous forme de valse, autour de laquelle gravite un très beau dialogue entre le pianiste Dave Brubeck et le saxophoniste alto Paul Desmond.
1957 : Donald Byrd
La même année, le trompettiste Donald Byrd, avec les arrangements de Clare Fischer, livre une version particulièrement aérienne grâce à la prédominance d'instruments à vent (trompette, clarinette, flûte, cors) qui rappelle le chant des oiseaux. Cette version figure dans l'album Donald Byrd with Strings (conducted and arranged by Clare Fischer, 1957).
1960 : Bill Evans
Trois ans plus tard, c'est au tour de Bill Evans et de son légendaire trio, composé notamment de Scott LaFaro à la contrebasse, de s'emparer du titre pour en livrer une version purement bebop dans l'album Portrait in Jazz (1960).
1961 : Miles Davis
Mais c'est la version de Miles Davis qui deviendra la plus célèbre, dans son album éponyme sorti en 1961. Sur la lancée de son mythique album Kind of Blue, le sextet de Miles Davis reste quasiment identique. Hank Mobley remplace Cannonball Adderley. Someday My Prince Will Come est interprété par Hank Mobley et John Coltrane aux saxophones ténor, Wynton Kelly au piano, Paul Chambers à la contrebasse et Jimmy Cobb à la batterie.
1961 : Wynton Kelly
Toujours en 1961, Wynton Kelly enregistre une autre version avec Paul Chambers, détournant le rythme de la valse originale pour adopter une forme à quatre temps tout aussi virevoltante.
1979 : Herbie Hancock
Dans un tout autre style, le sémillant Herbie Hancock interprétera deux versions qui tranchent avec le style jazz fusion auquel il nous avait habitués. Dans une version épurée, particulièrement bouleversante, il restitue à merveille la magie de l'enfance. Voici Herbie Hancock en solo en 1979, dans l'album The Piano.
1978 : Herbie Hancock & Chick Corea
Herbie Hancock conserve cette même retenue tout en rivalisant d'ingéniosité avec Chick Corea dans ce duo piano-clavier électrique époustouflant ! Cette version est à retrouver dans l'album An Evening with Herbie Hancock & Chick Corea: In Concert (1978).
1983 : Chet Baker
En 1983, Chet Baker, à l'instar de Miles Davis vingt ans plus tôt, enregistre à son tour un album éponyme reprenant notre standard. Sa version, tout en douceur, évoque une berceuse, portée par le duo formé du trompettiste Chet Baker et du guitariste Doug Raney, au son de velours. En vous souhaitant de beaux rêves...
Par Anne-Laure Chatelot, bibliothèques de la ville de Paris
les 11 standards à (re)découvrir cet été
Tout au long de l'été, vous pourrez découvrir au fur et à mesure des semaines tous les secrets derrière chacun des standards suivants :
- Épisode 1 : Autumn Leaves
- Épisode 2 : Cantaloupe Island
- Épisode 3 : Estate
- Épisode 4 : Minor Swing
- Épisode 5 : ’Round Midnight
- Épisode 6 : St. Louis Blues
- Épisode 7 : Softly, as in a Morning Sunrise
- Épisode 8 : Someday My Prince Will Come
- Épisode 9 : Stella by Starlight
- Épisode 10 : Take five
- Épisode 11 : The Girl from Ipanema